L’ENTRAIDE: Une vertu africaine en voie de disparition ?

L’entraide, pilier fondamental des sociétés africaines traditionnelles, semble aujourd’hui s’effriter face aux mutations rapides de notre continent. Naguère ciment social indéfectible, cette valeur, transmise de génération en génération, est-elle en train de devenir une simple relique du passé ?
L’Afrique a toujours été le berceau de communautés où la solidarité était la pierre angulaire de la vie quotidienne. Des tontines aux travaux champêtres collectifs, en passant par l’accueil inconditionnel de la famille élargie, l’entraide se manifestait sous mille et une formes, tissant un réseau de soutien mutuel indispensable à la survie et au bien-être de tous. Chacun savait qu’il pouvait compter sur son voisin, son ami, son parent, en cas de coup dur. Cette interdépendance créait un sentiment d’appartenance fort et une résilience collective face aux aléas de la vie.
Cependant, l’urbanisation galopante, la monétarisation croissante des échanges, l’individualisme importé et l’émergence de nouvelles dynamiques sociales semblent éroder progressivement cette précieuse vertu. Dans les grandes villes, l’anonymat prévaut souvent sur la familiarité, et les liens sociaux se distendent. La course à la réussite individuelle prime parfois sur le sens du collectif. On observe une tendance à la « débrouillardise » individuelle, où chacun est censé se débrouiller seul, quitte à laisser de côté ceux qui peinent.
Les conséquences de ce déclin sont palpables. De nombreuses personnes se retrouvent isolées face aux difficultés, qu’elles soient financières, sociales ou émotionnelles. La pauvreté, déjà endémique dans certaines régions, est aggravée par le manque de filets de sécurité informels. Les personnes âgées, autrefois vénérées et prises en charge par la communauté, se retrouvent parfois livrées à elles-mêmes. L’harmonie sociale est menacée par une perte progressive de la cohésion.
Faut-il pour autant sonner le glas de l’entraide en Afrique ? Pas nécessairement. Des initiatives citoyennes et associatives fleurissent, tentant de raviver la flamme de la solidarité. Des plateformes numériques facilitent l’échange de services et de biens entre particuliers. Des mouvements de bénévolat se développent, prouvant que le désir d’aider autrui est toujours présent.
Il est impératif de se questionner collectivement sur les moyens de préserver et de revitaliser l’entraide dans nos sociétés africaines modernes. Cela passe par une éducation qui valorise les principes de solidarité, par le renforcement des structures communautaires, et par la promotion de politiques publiques qui intègrent cette dimension sociale. L’entraide n’est pas qu’une simple tradition ; c’est un mécanisme essentiel de résilience, de développement et de bien-être collectif. La maintenir vivante, c’est garantir un avenir plus juste et plus humain pour l’Afrique.