LIBÉRATION DES ESPACES PUBLICS: Le vert et le revers de l’opération

L’opération de déguerpissement des espaces publics lancée à plusieurs reprises par les autorités béninoises, qu’elle soit appliquée « de gré ou de force », a profondément remodelé le paysage urbain de plusieurs villes, dont Parakou. Si l’objectif d’assainissement et de modernisation est visiblement atteint, la question de la pérennité de cette mesure et de l’impact socio-économique reste au cœur des débats.
Quand c’est vert, tout passe. Tout coule et est apprécié. L’effet le plus immédiat de cette politique a été la libération spectaculaire des trottoirs, des abords de routes et des places publiques. Finis les étals anarchiques, les installations de fortune et l’encombrement permanent. Les villes ont gagné en clarté visuelle, en fluidité de la circulation et offrent désormais une image plus ordonnée, séduisante pour les investisseurs et les touristes. À Parakou, les grandes artères respirent, permettant une meilleure appréhension de l’architecture urbaine.
Mais le revers de cette « attraction des villes » a eu un coût social et économique élevé. Pour une large frange de la population qui tirait ses revenus du commerce informel sur ces mêmes espaces, l’impact a été un véritable coup dur. Ces commerçants, souvent contraints de s’installer dans des marchés secondaires ou de cesser leur activité, ont vu leur pouvoir d’achat et leur capital commercial fondre. Le défi de la réinsertion et de la compensation pour ces milliers d’acteurs de l’économie reste une urgence majeure.
Si l’étape du dégagement a été menée avec fermeté, l’étape cruciale de l’entretien et de l’aménagement de ces espaces libérés semble, elle, marquer le pas. C’est là que l’initiative perd de son éclat.
Dans de nombreuses zones dégagées, y compris à Parakou, on observe un manque flagrant d’entretien. Loin d’être transformés en espaces verts, aires de repos ou parkings bien gérés, ces lieux se retrouvent rapidement envahis par les herbes sauvages et les broussailles.
Les herbes qui poussent anarchiquement renvoient une image de l’abandon, contrastant avec l’objectif initial d’embellissement. Ces friches improvisées deviennent des lieux propices à l’accumulation de déchets.
Le couvert végétal non maîtrisé crée des cachettes potentielles et des zones d’ombre, augmentant le sentiment et le risque d’insécurité pour les piétons, notamment la nuit.
En fin de compte, l’effort colossal consenti pour le déguerpissement menace d’être neutralisé par une absence de suivi. La volonté politique de libérer les espaces publics doit être impérativement suivie d’une politique d’aménagement urbain durable et d’un budget d’entretien constant pour que le bénéfice de cette opération ne se réduise pas à une simple visibilité éphémère. Les autorités locales sont désormais interpellées sur leur capacité à transformer ces espaces récupérés en de véritables atouts pour le bien-être de leurs citoyens.