JOURNNEE INTERNATIONALE DES ENSEIGNANTS, Habib Jordi YACOUBOU donne sa part de vérité.

Les enseignants du monde entier sont honorés autour du thème : “Enseignant, leaders en temps de crise et façonneurs d’avenir”, ce lundi 5 Octobre 2020. A l’occasion, le nouveau Secrétaire Général Départemental du Syndicat National des Professeurs des Lycées et Collèges (SYNAPROLIC) Habib Jordi YACOUBOU a accordé un entretien à votre journal. Il se prononce.
BBN: Bonjour Monsieur le Secrétaire Général
SG: Bonjour Madame la Journaliste
BBN: Vous repondez au nom de Habib Jordi YACOUBOU, vous êtes le nouveau Secrétaire Général Départemental du Syndicat National des Professeurs des Lycées et Collèges ( SYNAPOLIC). Aujourd’hui journée internationale des enseignants, dites nous quel est déjà l’état des lieux au niveau de votre corporation au Bénin?
SG: (Sourire) Même si vous vous rapprochez d’un enseignant, cette journée ne lui fait ni froid ni chaud. C’est dû au fait que dans le système éducatif au Benin, l’enseignant n’est pas très bien positionné. On a l’impression que c’est un homme qui dérange, c’est un homme qui est peu productif alors que le système éducatif de tout le pays se repose sur lui. Chaque année au SYNAPROLIC, nous faisons l’effort de nous retrouver pour voir ce qu’il y a lieu de faire. Depuis que cette journée du 5 Octobre a été décrétée journée mondiale par l’UNESCO, par l’UNICEF et par l’organisation internationale du travail, nous faisons de notre mieux pour être fière de notre profession. Au delà des discours, de tout ce qu’on fait pour célébrer cette journée, parfois même sans les véritables acteurs que sommes, nous nous disons que nous avons un très important rôle à jouer et tout faire pour le jouer convenablement. Pour le compte de cette 27è édition nous avons déjà réfléchi sur le thème.
BBN: Alors en tant que SG c’est supposé que vous avez des doléances, des plaintes venant de vos congénères. Qu’est-ce qui fait aujourd’hui la priorité ?
SG: Pour le moment vous allez constater que ce qui fait débat ce sont les réformes qui sont en train d’être menées dans le secteur de l’éducation. Évidement ça laisse perplexe. Lorsque vous prenez par exemple la question de la bivalence, nous, nous estimons quand même qu’il y a du recule. Parce qu’en réalité la bivalence c’est amener l’enseignant à dispenser les cours dans deux disciplines. Savez-vous qu’on l’a expérimenté dans notre pays ? et la question qu’on devrait se poser c’est pourquoi l’avoir abandonée? Dans le fond je dirais que l’enseignant même est plus bivalent. Lorsque vous prenez le secondaire, ce sont des disciplines qui embrassent plusieurs autres disciplines. Par exemple un professeur d’histoire géographie, il sert à la fois à l’histoire et la géographie; un professeur de PCT, il fait de la chimie, il fait de la physique idem pour celui des SVT. Lorsqu’on demande à ses enseignants d’ajouter une autre discipline à ce qu’ils font déjà, ça va porter un coup à la qualité de l’enseignement. Si on analyse de près, l’État veut de la bivalence tout simplement pour économiser sur l’éducation de nos enfants.
Qaund on estime que nous sommes déjà dans un pays marqué par ‘’un désert de compétence’’, instaurer la bivalence, c’est supprimer déjà les quelques points d’eaux qui existent dans ce desert là. Cela remet également en cause tout ce qu’on nous a appris pendant dix ans sur l’Approche Par Compétence (APC). Il ne s’agit pas seulement pour l’enseignant de dire à l’enfant voilà il faut faire mais il l’amène non seulement à aimer mais à assimiler et à construire aussi son propre savoir. C’est tout une science la pédagogie et on ne s’amuse pas avec. On veut rendre l’enseignement superficiel alors que le monde actuel exige que nous soyons beaucoup plus pointus, que nous soyons des spécialistes. On se demande où sont passés les psychopédagogues de ce pays, les inspecteurs des enseignements secondaires qui se sont tués à nous parler de l’Approche Par Compétence.
BBN: On sait que la constitution reconnaît que l’État doit assurer progressivement l’éducation des enfants et quand on parle toute suite de la bivalence pensez-vous qu’il y a un danger qui plane sur le système?
SG: C’est comme si nous sommes sans boussole et on prend des decisions sans tenir compte des effets que ces decisions peuvent avoir. Le danger c’est que ce sont des effets qui ne s’observent pas automatiquement. Donc il est difficile de dire que si nous mettons en application cette affaire de bivalence cette année, qu’on constatera les répercutions dans 1an, 2 ans. C’est peut être dans 10, 15 ans qu’on va se rendre compte que c’est une catastrophe qu’il faille changer. On ne fait pas de l’à peu près avec l’éducation ; il faut forcément et obligatoirement réfléchir, trouver ce qu’il faut et investir dans le système afin que ça puisse marcher pour le Bénin. Il faut connaître quell est le role de l’enseignant, quelle est l’importance de l’école dans un pays et à partir de là, on peut prendre des decisions idoines.
BBN: Il n’y a pas que la bivalence qui déffraie la chronique, la question des trente heures de cours, votre avis.
SG: Personnellement, c’est peut-être que les caisses de l’Etat sont vides et pour faire face à certaines charges on est alors obligé de prendre ces decisions pour notre pays. Honnetement quell peut être le rendement d’un enseignant qui doit faire Trente heures devant les élèves? Rien de bon. Si on fait un petit calcul, ça lui fait six classes s’il est à quatre heures par semaine soit plus de trois cents soixante élèves à rencontrer par semaine. Comment peut-il véritablement les encadrer? Il doit preparer le cours, procéder à la remédiation, trouver la demarche pédagogique qu’il faut pour chaque enfant.
BBN: Est qu’il faut fermer les yeux sur les déboires des apprenants et valoriser la rémunération puisqu’on parle du côté social qui sera pris en compte ?
SG: Les promesses politiques n’engagent que ceux qui y croient. Tel que ça se présente, on sent que c’est juste une façon d’apaiser les esprits si non, ce n’est pas prévu. Parce que si c’était prévu, on nous aurait présenté la décision autrement. On aurait peut-être dit pendant les vacances que nous comptons augmenter le nombre d’heures et dans le même temps, dire que voilà ce qu’on a prévu comme augmentation de salaire mais ça n’a pas été fait et qu’on balance à la figure de tout un peuple que c’est ainsi que les aspirants passent désormais à trente heure et après des contestations on vient dire maintenant que bon on a prévu faire quelque chose; honnêtement je crois que ce qui nous différencie des animaux c’est l’intélligence alors que chacun utilise son sens pour savoir ce qu’il y a lieu. Ce n’est pas une question d’argent mais c’est une question du bien être de l’homme. Ici avec cette decision, il s’agit de l’esclavagisme, c’est de la surexploitation. Pour finir, je dirai qu’on ne peut pas séparer l’acte éducatif du caractéristique psychologique des éduqués et des éducateurs. Autrement dit, si l’éducateur n’est pas psychologiquement en forme il ne peut jamais être efficace ; de même que l’éduqué. D’où la nécessité de tout faire pour amener l’éducateur à être vraiment au meilleur de sa forme et à donner le meilleur de lui-même.
BBN: M. le Secrétaire Général avez-vous quelques choses à ajouter?
SG: Je voudrais remercier par votre canal les enseignants pour leurs inlassables efforts pour l’éducation inclusive de la jeunesse béninoise. Je voudrais leur dire qu’il faut qu’ils soient fières d’être enseignants. Car, nous exerçons la plus importante des professions du monde. C’est la mère de toute les professions. Je profite pour inviter les autorités politico-administratives à divers niveaux ainsi que les autres membres de la communauté, les parents d’élèves, les élèves tous les citoyens à témoigner aux enseignants toutes leur reconnaissance en ce jour. Il nous faut respecter les enseignants, il faut accorder à l’enseignant une place de choix. Parce que le faire c’est rendre service aux enfants du Bénin, c’est rendre service à la nation.
BBN : Merci Habib Jordi YACOUBOU de nous avoir reçu
SG: C’est moi.