OPPOSITION DES PARENTS FACE AU MARIAGE INTERETHNIQUE À PARAKOU : Des préjugés qui brisent le cœur.

La question du mariage interethnique soulève des problèmes réels tant au niveau des amoureux qu’au niveau de leurs géniteurs. Face au rejet de leur choix par leurs parents pour des questions de respect et de pérennisation des coutumes, les aspirants au mariage se retrouvent entre le marteau et l’enclume. Pour avoir choisi un homme ou une femme différente de son groupe ethnique, les conjoints subissent certains désagréments au sein de leur groupe d’origine ou de celui de leur partenaire. Ici à Parakou, cette union se heurte à l’opposition radicale des parents dont les origines se basent sur des préjugés.
Entre certaines races comme Fon, Peul et Bariba, l’opposition des parents tire toute sa source des aperçus que les aïeux avaient de chacune de ces races. Jacques BAGOUDOU, un sage Baatonou, nous explique : « prenons par exemple le cas des Peuls, nos vieux nous disent que tu seras diminué dans ta vie, tes biens, si tu tiens une relation intime avec une femme Peule. Voilà des préjugés entre la femme peule et le Bariba. Quant à la femme Fon, elle va te coloniser, t’imposer ses lois, et pour nous Bariba, tes enfants ne seront plus honnêtes. Si un Bariba marie une femme Yoruba, il est vendu. Aucun de ses enfants ne sera avec lui, mais plutôt avec sa femme Yoruba pour le commerce. Elle n’accepterait même pas que ses enfants aillent à l’école. Voilà en quelques sortes les préjugés qu’on a pour dire que le Bariba ne marie pas telle race, telle race. »
Bien que difficile à concevoir, cet état de choses puise ses fondements à travers l’histoire dont nous éclaire le socio anthropologue à l’Université de Parakou, Prudent FAGNIBO : « le problème à la base n’est même pas une question ethnique. C’est déjà une question de bord de voisinage. Tout a commencé par là. Vous allez même constater qu’entre les gens d’une même ethnie, certains parents s’opposent à l’union tout simplement à cause des frustrations qui ont été enregistrées. Quand on parle d’ethnie, ce ne sont plus des individus, mais plusieurs clans qui se sont certainement livrés une guerre. Le cas que nous avons beaucoup plus dans notre société c’est le royaume d’Abomey et les Nagots ; et cette histoire enregistrée est transmise de génération en génération, ce qui fait aussi allusion à la cité d’Oyo. »
Histoire, certes, mais ces préjugés continuent de faire des victimes dans notre société actuelle. Pour preuve, le témoignage de Dame aux initiales A. F. : « j’ai accepté des avances d’un homme Peul, tout allait bien jusqu’à l’obtention de mon Bac. Une fois à l’université, ma mère un jour m’a prise au dépourvu. Elle m’a demandé avec qui je sors. Au prime abord, j’avais peur et j’ai nié, mais sur insistance j’ai avoué. Aussitôt, elle a désapprouvé d’un air sérieux. J’étais déboussolée. Nous sommes d’ethnie Bariba. Le soir au retour de papa, je lui ai annoncé la nouvelle, lui aussi m’a donné un refus catégorique. J’étais perdue. J’ai échoué à l’université puisque je n’avais plus la tête aux études. En sourdine, on se rencontre, mais officiellement pas possible. J’ai dû, par finir, m’éloigner de lui pour ne pas tomber grosse et aggraver la situation. C’est difficile à vivre. »
Du point de vue sociologique et culturel, Prudent FAGNIBO et Jacques BAGOUDOU estiment que cette pratique ne devrait plus influencer les relations amoureuses actuelles, car les temps sont révolus : « nous sommes aujourd’hui appelés à rester dans les mêmes administrations, et ce manque de confiance entre les familles peut se répercuter sur la vie dans les entreprises. Ce sont des réalités d’un passé et elles ne sont plus les mêmes de nos jours. Est-ce que ces peuples continuent par se livrer la guerre ? Non. Mais c’est l’histoire, les faits marquants d’entre temps, qui continuent par agir sur cette société ; donc ce n’est plus la peine de continuer par s’opposer au mariage interethnique » et à Jacques BAGOUDOU de renchérir : « ce sont des préjugés que nous devons effacer, ça doit s’arrêter ». Clément Yorgo, gestionnaire des conflits conjugaux, pense que l’idéal est de promouvoir l’amour au sein de toutes les ethnies : « nous devons nous aimer. C’est la seule solution. Ça ne parait pas bien qu’on indexe telle ethnie meilleure que l’autre. C’est porter atteinte au bon Dieu. Car c’est lui qui a créé Nagot, Bariba, Fon, Goun, Berba, etc. Dans chaque ethnie, il y a des bons et des vices, donc on ne devrait pas juger. » Il saisit l’aubaine pour convier les géniteurs à la tolérance et les amoureux à la prière.
Pour une paix durable, il est préférable de tourner l’ancienne page et écrire une nouvelle histoire culturelle et sociale à travers la tolérance des uns et des autres.